Une famille pontoisienne dans la Drôle de Guerre

Une famille pontoisienne dans la Drôle de Guerre

Correspondance de la famille Jouanneau (1939-1940), ADVO, 1 J 782
Correspondance de la famille Jouanneau (1939-1940), ADVO, 1 J 782
Correspondance de la famille Jouanneau (1939-1940), ADVO, 1 J 782

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Une correspondance dans un grenier

C’est dans un grenier de Pontoise que furent découverts récemment des papiers abandonnés  de la famille Jouanneau. Ce ne sont pas moins de 164 lettres qui furent reçues puis conservées par Eugénie Hodebourg (1882-1963) et son époux Louis Jouanneau (1882-1964), employé des Chemins de fer du Nord à la retraite. Cette correspondance soigneusement classée, a été écrite par leurs enfants, alors jeunes adultes, pendant une période singulière de notre histoire : la Drôle de guerre de 1939-1940. Face aux nouvelles conditions d’existence, marquées par l’absence de l’autre et la crainte de l’avenir proche, chacun rapporte son expérience auprès des parents, centre naturel d’une famille séparée par la contrainte.  

Des quotidiens bouleversés

Les femmes d’abord, à l’arrière, Germaine  et Jeanne, confiant leur angoisse quant au sort de leurs maris mobilisés ou sur le point de l’être, égayant leurs propos d’anecdotes sur leurs progénitures en bas âge, imaginant sans cesse des projets de retrouvailles familiales en s’accrochant aux espoirs de la permission.

Les hommes ensuite, à commencer par les deux frères Paul et Edouard, tous deux mobilisés. L’aîné est caporal dans la « Biffe », entendez un régiment d’infanterie, stationné près de Pontarlier (Doubs). Le cadet se retrouve adjudant radiotélégraphiste dans une formation de l’armée de l’Air quelque part en Lorraine. Chacun s’inquiète du sort des autres, de la famille et des amis, s’irritant parfois que certains ne donnent que peu de nouvelles. Les deux frères glosent aussi sur l’actualité politique et diplomatique du conflit, rendant ainsi compte de leur lecture assidue de la presse qu’ils ne se privent pas de commenter, livrant ainsi à l’historien leurs profils socio-politiques. Mais leurs lettres sont surtout des chroniques du quotidien de cette Drôle de guerre, sans combat, ponctuée d’ennui et de petites misères, comme les marches et les accidents, qu’on espère vite oublier en revenant bientôt à la paix. 

C’est pourtant tout le contraire qui se déroule à partir du 10 mai 1940 avec l’offensive allemande, cette Blitzkrieg qui bouleverse tout le pays durant six courtes semaines. Malgré les difficultés liées à la désorganisation du courrier postal, ce sont désormais les désastres de la guerre qu’on rapporte : les bombardements (à Pontoise notamment), les premiers décès de connaissances, la captivité (Paul est interné au camp de Sully-sur-Loire), l’exode (les parents quittent Pontoise pour se réfugier probablement dans le Perche dont ils sont originaires) et, après le 22 juin 1940, l’amertume de la défaite et la dénonciation, déjà, de ceux que l'on tient alors pour responsables (les socialistes et les communistes tels que le député de Pontoise Alexandre Prachay, les francs-maçons, les Anglais, les juifs…).

La démobilisation et la fin de la correspondance

La correspondance cesse brutalement dès lors que les frères et maris libérés et démobilisés retournent à leur foyer et à leur vie civile, au cours de l’été 1940. Le lecteur reste alors sur sa faim, s’interrogeant sur le sort de chacun au cours de la longue et périlleuse épreuve de l’Occupation et pour laquelle on ne saura rien du fait de l’absence de documents. Cette correspondance familiale n’en demeure pas moins un précieux témoignage historique, celui d’une famille de la classe moyenne du Val-d’Oise, durant les premiers mois de la Seconde Guerre mondiale.

Sébastien Langlois, Service Patrimoine
Direction des Archives départementales du Val-d'Oise
Mars 2024

 

Pour en savoir plus

Papiers de la famille Jouanneau, à Pontoise. Correspondance familiale (1939-1940). [1 J 782]

Lambert, Jules. « Pontoise pendant l'Exode (17 juin au 15 juillet 1940) » in Bulletin de la Société historique et archéologique de Pontoise, du Val-d'Oise et du Vexin, n° 76, pp. 29-44. [REV 19]

Thomas, Jean. « Les combats sur l'Oise en juin 1940 » in Mémoires de la société historique et archéologique de Pontoise, du Val-d'Oise et du Vexin, n° 87, 2005, pp. 239-255. [REV 18]

Pontoise 1939-1945, guerre et occupation. Pontoise : Archives municipales de Pontoise, 2008, 39 p. [BIB D 3626]