Le bureau de bienfaisance de Pontoise (Val-d’Oise) de 1816 à 1880
Créés par la loi du 7 frimaire de l’an V (27 novembre 1796), les bureaux de bienfaisance sont des organismes d’assistance chargés, à l’échelle municipale, de porter secours aux populations désœuvrées. Celui de Pontoise (Val-d’Oise) n’est officiellement créé qu’en 1816, prenant en partie le relais de l’Hôtel-Dieu dans le soutien aux indigents. Organisme municipal sous la tutelle du préfet, le maire de la ville en est le dirigeant et à ses côtés siègent des bénévoles, qu’ils soient bourgeois ou notables, parmi lesquels certains assurent le rôle de trésorier, receveur ou secrétaire.
L'action charitable des bourgeoises de Pontoise
Tout au long du XIXe siècle, le bureau de bienfaisance fonctionne comme suit. Toutes les deux semaines, une quinzaine de Dames de charité, bien souvent bourgeoises ou veuves pontoisiennes, sont chargées de recenser le nombre d’indigents sollicitant des secours. Ces dames visiteuses à domicile notent scrupuleusement dans un recueil, « le livre des pauvres », leurs adresses, leurs métiers s’ils en ont, le nombre d’enfants à charge, ainsi que les raisons financières ou de santé nécessitant un secours. Travaillant en trinôme, elles ratissent ainsi les cinq sections géographiques de la ville établies par le bureau de bienfaisance. Une fois officiellement admis aux secours, les indigents reçoivent des bons de pain, de viande, de tourbe pour le chauffage ou de vêtements, bons qu’ils échangent ensuite auprès des commerçants de la ville affiliés au bureau de bienfaisance. En présentant les bons reçus au trésorier, les commerçants se font ensuite rembourser. A partir de 1833, un médecin est affilié au bureau : il assure des consultations et la délivrance de médicaments.
Les pauvres secourus
Statistiquement, la population secourue par le bureau de Pontoise, tout au long du siècle est majoritairement féminine. Ainsi pour l’année 1834, sur les 156 indigents pris en charge, 72% sont des femmes. Ce sont essentiellement des veuves dont l’âge, l’infirmité ou le manque de travail les contraignent à recourir à cette aide. Ce sont également des mères de famille nombreuse qui ont besoin d’aide pour nourrir leurs enfants en bas-âge ou des femmes vivant de petits métiers au maigre revenu. Quant aux hommes secourus, leur âge avancé est là encore le premier facteur d’indigence. Enfin, travailleurs saisonniers et journaliers sont également menacés lors des crises frumentaires et économiques comme celle de 1847 qui plonge une partie de ces petits métiers dans la misère.
Les revenus du bureau de bienfaisance
Ils proviennent principalement des recettes de l’octroi, autrement dit une partie des revenus de la municipalité sont consacrés automatiquement à l’assistance. S’y ajoutent des dons et legs faits par la population aisée de la ville, mais également le bénéfice des quêtes en faveur des pauvres organisées par les Dames de charité lors des messes et célébrations municipales. Enfin, deux autres fonds sont directement consacrés à l’assistance, les droits sur les spectacles ainsi que les concessions de terrains dans les cimetières de la ville.
La fin du XIXe siècle apporte quelques changements dans l'organisation du bureau de bienfaisance. Tout d’abord, avec l’arrivée au pouvoir des Républicains, la loi du 5 août écarte définitivement de son administration les curés de la ville qui y occupaient une place traditionnelle : l’assistance publique devient définitivement laïque. Enfin la loi de 1893, qui instaure l’assistance médicale gratuite, confie une autre mission aux bureaux de bienfaisance : celle d’établir la liste des pauvres de la ville qui pourront disposer de cette nouvelle assistance. L’assistance médicale gratuite ne menace donc en rien l’existence du bureau de bienfaisance, celui-ci poursuit son action auprès des indigents jusqu’en 1953 lorsqu’il devient un centre communal d’action sociale (CCAS).
Claire Cousinou
Etudiante en Master 1 Histoire, Université Paris-Nanterre
Février 2019
Pour en savoir plus
Fonds d'archives
Direction des Archives départementales du Val-d’Oise :
Assistance et prévoyance sociale. [Série X]
Décomptes des remises servant de base à la fixation du traitement du receveur : canton de Pontoise (1867-1873). [2 X 9]
Bureaux de bienfaisance de l’arrondissement de Pontoise, affaires diverses : dons, legs, nomination des membres. (1809-1840) [2 X 27]
Archives municipales de Pontoise
Série Q Assistance et prévoyance
Bibliographie
BEC, Colette, Assistance et République: la recherche d’un nouveau contrat social sous la IIIe République. Paris : Editions de l’Atelier, 1994, 260 p.
COUSINOU, Claire, Le Bureau de bienfaisance de Pontoise, organisation et assistance aux pauvres 1816-1880. Nanterre : Université de Paris X, 98 p. (Mémoire de Master 1 Histoire, Université de Paris X ). [BIB D4560]
FAURE, Olivier, « La médecine gratuite au XIXe siècle : de la charité à l'assistance », Histoire, économie et société, 1984, 3e année, n°4, « Santé, médecine et politiques de santé », pp.593-608.
GUESLIN, André, Gens pauvres, Pauvres gens dans la France du XIXe siècle. Paris : Aubier 1998, 314 p. (Collection Historique) [BIB 8/3838]
MARAIS, Jean-Luc, Histoire du don en France de 1800 à 1939. Dons et legs charitables, pieux et philanthropiques. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 1999, 415 p. (Collection Histoire) [BIB8/3984]
MAREC, Yannick, Bienfaisance communale et protection sociale à Rouen (1796-1927), Expériences locales et liaisons nationales. Paris : La Documentation française, 2002, 662 p.
James, Gressier, Pontoise, 2000 ans d'histoire. Pontoise :Société historique et archéologique de Pontoise, du Val d’Oise et du Vexin, 1987, 198 p. [BIB 1677]
A titre de comparaison :
SVETOVIDOFF, Marie-Camille, « Le bureau de bienfaisance de Montmorency (1863-1914) », Bulletin de la Société d'histoire de Montmorency, 2003, p. 39-50. [BIB Rev156]