Visible et lisible au Moyen Âge
Les chartes médiévales sont à voir autant qu’à lire. Elles jouent sur le « visible » autant que sur le « lisible » pour impressionner : « le pouvoir de l’écrit » passe aussi par le pouvoir du graphisme.
La devise d’un chirographe accroche souvent le regard par sa calligraphie ; les lettres qui la composent sont ornementées, parfois d’une taille surdimensionnée, faites pour être appréciées même de loin, indépendamment de la prise de connaissance du texte de la charte qu’elle accompagne. Cette devise rappelle qu’une charte est faite pour être vue avant que d’être lue, ne serait-ce que parce que sa promulgation est ordinairement l’objet de rituels publics. Telle une « charte graphique », certains styles d’écriture et de mise en page indiquent une production déterminée ou son imitation. Tels des logos, certains signes caractérisent un type d’acte. La chancellerie pontificale est probablement celle qui a le plus travaillé ces effets graphiques, pour aider à la reconnaissance de types d’actes tout en produisant un véritable « effet de gamme », un peu comme le font les designers automobiles. Ainsi, les privilèges pontificaux présentent au XIIe siècle des signes graphiques (rota et bene valete monogrammatique) qui identifient immédiatement la charte, sans qu’il soit besoin de la lire.