L'ostension de la Sainte Tunique à Argenteuil (Val-d'Oise) en 1934

Une tour bleue dans la ville

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Depuis 1974, la tour des Cerclades marque le paysage de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise par sa forme de fleur et sa couleur bleue atypiques. Elle est le symbole d’une architecture et d’un mode de vie des années 1970.

Se loger rapidement en région parisienne

Après la Seconde Guerre mondiale la France fait face un manque cruel de logements, surtout en région parisienne. La priorité est donnée à l’habitat collectif. En 1953 est mis en place le 1% logement pour permettre le financement de programmesd’architecture lancés par l’Etat : la collecte de l’argent est confiée à l’Office central interprofessionnel du logement (OCIL). En parallèle, le schéma directeur de la région parisienne de 1965 initié par Paul Delouvrier et l’équipe du District encadre l’urbanisation de la région capitale et prévoit la construction de cinq villes nouvelles autour de Paris, dont celle de Cergy-Pontoise. Ces villes nouvelles vont devenir un terrain de recherche et d’expérimentation urbain et architectural. L’on n’hésite pas à faire appel à de jeunes architectes dont Philippe Deslandes (1933-1988), architecte conseil de l’OCIL de 1967 à 1987, qui avec son épouse Martine va construire la tour des Cerclades.

Une architecture expérimentale

Une plaquette de l’OCIL de 1976 conservée dans les papiers de Bernard Hirsch, premier directeur de l’établissement public de la ville nouvelle de Cergy, garde trace de cette réalisation.

En 1968, l’OCIL demande à Philippe Deslandes une étude théorique de logements expérimentaux locatifs pour des jeunes qui viennent travailler à Paris pour une courte durée.C’est donc un habitat tremplin avant le passage à un logement plus pérenne et plus adapté à la vie familiale. Le concept donnera lieu à trois réalisations identiques : une tour verte à Noisiel, une deuxième rose à Villetaneuse et la troisième décorée d’une spirale en trois teintes de bleu à Cergy.

L’ensemble est constitué de trois tours en béton de 15 étages accolées les unes aux autres en forme de marguerite : au cœur les escaliers et les ascenseurs, à l’extérieur 180 appartements comme des pétales. Au rez-de-chaussée les parties communes initialement prévues dans cette plaquette (laverie et crèche notamment) ne seront pas réalisées : en revanche s’y installera l’un des premiers centres de planning familial. Les appartements d’environ 50 m², studios, deux-pièces ou trois-pièces, sont conçus pour des étudiants ou des jeunes couples avec au plus un bébé, d’où le surnom de tour des célibataires ou des jeunes mariés. Une attention particulière est portée à l’environnement immédiat : la tour est située en cœur de ville, à proximité de la préfecture, du centre commercial des Trois fontaines et des transports en commun avec la gare RER. Au pied de la tour est aménagé un jardin.

Les architectes Deslandes optent pour le fonctionnel mais avec poésie. Ils privilégient les formes courbes et les couleurs vives pour optimiser la lumière et pallier le faible nombre de meubles : les vitres teintées pour éviter la pose de rideaux tout comme les portes de placard en plastic sont bombées, les lits ronds placés dans des alcôves rondes, les meubles de cuisine bombés et les salles de bain concaves… Dès les deux premières années, le bailleur fait le constat d’un faible nombre de familles, d’un fort taux de renouvellement des locataires corrélé à des dégradations des parties communes, et au désir des locataires d’aménager l’espace avec leurs propres meubles incompatible avec la conception des lieux.

Un habitat et un patrimoine à préserver

La tour des Cerclades est toujours habitée, surtout par des célibataires. Néanmoins l’architecture des années 1970 très énergivore a nécessité de lancer en 2017 de gros travaux de réhabilitation thermique qui s’inscrivent dans le cadre de la requalification du Grand centre de l’agglomération. De l’extérieur, la tour poursuit dorénavant sa vie habillée d’un revêtement en aluminium d’un bleu plus profond qu’à l’origine.

Marie-Hélène Peltier, Directrice
Direction des Archives départementales du Val-d'Oise
Mars 2018

Pour en savoir plus

Engrand Lionel, Millot Olivier, Cergy-Pontoise, formes et fictions d’une ville nouvelle, Editions du Pavillon de l’Arsenal, 2015 [ADVO BIB F951]

Deslandes, Philippe, Deslandes par Deslandes, Regards maison de l’architecture, octobre 1989.

Archives de l’établissement public de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise : 1437 W 4, 1437 W 82, 1284 W 4, 1382 W 13, 1315 W 71.

Autres réalisations du couple Deslandes à Cergy : groupe scolaire de la Justice et gare de Cergy-Saint-Christophe (1985).

Galerie "Le Val-d'Oise et le Grand Paris : une histoire partagée