Une famille de notables du Second Empire à la campagne

Une famille de notables du Second Empire à la campagne

Livre de comptes des Burthe d'Annelet, 1863-1881, ADVO, 1 J 734

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Les Burthe d’Annelet

Acheté à un particulier en 2022, le livre de comptes du baron et de la baronne Burthe d’Annelet est un document du for privé qui plonge ses lecteurs dans l’intimité domestique d’une famille de notables du Second Empire en villégiature à la campagne.
Charles François Burthe d’Annelet, né à Paris en 1829, est le fils d’un général de cavalerie. Sa mère est issue d’une dynastie de planteurs des Antilles, les Delord-Sarpy. Lui-même épouse en 1865 Amélie de Saint-Rémy de Valois, héritière d’une riche famille de Louisiane. Malgré leurs attaches avec le Nouveau Monde, les Burthe d’Annelet vont s’enraciner durant toute leur vie aux marges d’un petit village du Val-d’Oise, Andilly. Le baron occupe dans la contrée quelques responsabilités locales, notamment celle de conseiller d’arrondissement de Pontoise. Le décès de sa mère en 1863 semble marquer les débuts de son installation dans une demeure acquise cette année-là, isolée au lieu-dit les Commailles, sur la commune d’Andilly, à deux enjambées de Margency.

Les dépenses domestiques

Fort de 166 pages, le journal couvre une période de près de vingt années, de 1863 à 1881. Il dévoile toute l’organisation matérielle du ménage qui, agrandi par les naissances de quatre enfants, quitte périodiquement son appartement parisien rue Saint-Lazare pour son domaine valdoisien. D’une simple maison de laboureur, les Burthe convertissent les Commailles en une belle propriété bourgeoise, digne de ses nombreuses voisines qui éclosent alors dans la vallée de Montmorency. En énumérant les matériaux commandés (carrelage, marbre, gazon), le livre laisse deviner l’ampleur des travaux engagés.
Le journal égrène surtout les produits de consommation alimentaire, relevant par le menu les usages d’une table bourgeoise au XIXe siècle. Viandes et volailles, fruits, légumes et fromages paraissent être fournis par des producteurs locaux. Les boissons font peut-être exception : malgré le cidre et le vin fournis par le voisin, les Burthe consomment des vins de Bourgogne, du cognac et de l’eau de Saint-Galmier (Loire). Les usages de la table parisienne sont de mise aux Commailles, avec l’achat de produits susceptibles de réaliser les plats servis dans les meilleurs établissements de la capitale : asperges, cresson, petits pois, dattes, pigeons, canards et dindons aux marrons, ris de veau, poissons, figues et pruneaux, macarons et biscuit de Savoie… Le confort moderne est aussi perçu dans les achats d’effets et d’équipements proprement citadins et bourgeois : horloges, piano, bains de siège, bottines et chaussures d’enfants.

La sociabilité de la famille

Le livre de comptes laisse entrevoir enfin les caractéristiques sociales et culturelles de la famille. Ainsi les dépenses, rarement signalées, liées aux activités intellectuelles comme les frais de correspondance avec l’Amérique ou les abonnements aux journaux comme Le Constitutionnel, organe de la presse libérale et bonapartiste. Mais aussi les dépenses engendrées par la sociabilité locale, à commencer par les offrandes pour le personnel paroissial et le pain béni. Le couple fréquente aussi les lieux à la mode comme « l’hippodrome », allusion présumée du livre au champ de courses d’Enghien.
Pour finir, c’est d’abord une photographie des comportements alimentaires qu’offre ce document et ensuite une source pour l’histoire sociale et culturelle de la bourgeoisie parisienne venant endosser le rôle traditionnel des élites dans les campagnes d’Ile-de-France.
Après le décès de Charles-François Burthe d’Annelet en 1901, le domaine des Commailles est resté propriété familiale durant tout le XXe siècle. Les bâtiments ont été détruits après 2019.

Sébastien Langlois, service du Patrimoine
Direction des Archives départementales du Val-d’Oise
Mai 2023

Pour en savoir plus

Fonds d’archives

Livre de comptes des Burthe d'Annelet [1 J 734]

Bibliographie

LAUDERAUT, Jules, Essai sur l’histoire de la paroisse d’Andilly et Margency au diocèse de Versailles. Paris : Imprimerie de l’œuvre de Saint-Paul, 1881. [BIB 8/44]

COLLET, Hervé, Andilly au fil du temps. Valmorency : 2016. [BIB F 980]