Une cloche appelée Denise-Sophie

Un comte d’Empire recensé

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Un illustre résident d’un modeste village

Qui connaît Jean-Baptiste Juvénal Corbineau (1776-1848) ? Un général, natif de Marchiennes (Nord), qui s’est distingué lors des campagnes du Premier Empire, comme ses deux autres frères, est une célébrité du Val-d’Oise. On trouve sa trace dans les archives, notamment dans les listes nominatives du dénombrement de population, précieuses pour la généalogie et les études démographiques du passé, mais aussi utiles pour certifier la présence des personnalités.

Champagne-sur-Oise le compte parmi ses habitants. Si son domicile principal est à Paris, Corbineau réside en effet souvent dans son château de Montigny, bâti à flanc de colline, d’autant plus qu’il est maire de la commune d’août 1826 à septembre 1830. Son attachement local est incontestable puisqu’il choisit de s’y faire enterrer avec sa femme, née Agathe Rose Delphine Sanlot. Leurs stèles funéraires figurent encore au pied de l’église.

Un château « qui n’a rien de remarquable au point de vue architectural » [1]

Le château, construit au XVIIIe siècle, a été certainement acquis par le général avant 1826, date du début de son mandat de maire. Dans le dénombrement de la population de 1846 l’édifice porte le numéro 54. Trois ménages y habitent : le comte Corbineau lui-même son épouse et un couple de domestiques. Le second ménage est composé du cuisiner, de sa femme, de leurs deux enfants et de la femme de chambre. Détail curieux, celle-ci est aussi qualifiée de « femme cavalier » ! Que signifie cette appellation ? Il s’agit de Mathilde Riboux, âgée de trente-sept ans, mariée mais vivant seule. Enfin le dernier ménage se limite au jardinier et sa femme qui a la particularité d’avoir douze ans de plus que son mari. Au total, le château abrite donc onze personnes.

Le cadastre indique que les biens du général Corbineau sont composés d’une maison (son château), de bâtiments, de jardins, de bois, d’un pré et aussi d’un certain nombre de parcelles de terre. Leur totalité oscille autour de dix-huit à vingt-quatre hectares selon les années d’acquisitions et de ventes.

Une ruralité atteinte par les prémisses de la modernité

A cette époque, la commune compte 670 habitants, répartis entre le village proprement dit, le hameau de Vaux et la maison de la Tour du Lay. La rue de Montagny où se situe le château, est composée de cinq maisons avec vingt-trois habitants disposés en sept ménages.

L’activité du village est essentiellement agricole. 64% des habitants travaillent dans l’agriculture, (cultivateurs, manouvriers, bergers et jardinier) ; le reste se répartit entre les artisans (17 %), les propriétaires et les rentiers (10%), le curé, les commerçants et divers employés (9 %).

Deux de ces derniers sont membres du chemin de fer. Cette présence illustre la mise en place de la ligne Paris-Creil par Pontoise ; des acquisitions de terrains se déroulent dans ce village de 1843 à 1846, suivies rapidement des travaux d’implantation des rails. Cette ligne sera gérée par la Compagnie des Chemins de fer du Nord avant sa nationalisation en 1937.

Le comte-général doit apprécier cette nouveauté qui facilite le déplacement entre Paris et son château. Toutefois, à ce moment-là, en raison de son âge avancé, son esprit est certainement tourné vers son passé glorieux.

Corbineau et la Bérézina

En effet, parmi ses actions d’éclat, figure le passage de cette rivière en novembre 1812. En essayant de rejoindre Napoléon alors en retraite de Moscou à travers les plaines enneigées, il découvre le gué à Studianka, grâce à la vigilance des éclaireurs polonais qui ont intercepté un moujik. Deux ponts seront construits peu après sur les eaux glacées, sauvant ainsi les débris de la Grande Armée du désastre annoncé. Ce lieu est célèbre par le sort tragique des traînards mais sait-on aussi que s’y sont déroulés les combats victorieux pour retenir les armées russes ? Salut imputable aux troupes encore intactes, dont faisait partie un… de mes aïeux, de la grosse cavalerie [2].

Patrick Lapalu, Service des archives anciennes, modernes et privées
Direction des Archives départementales du Val-d'Oise
Août 2019


[1] FREUND, André et Michèle, Champagne-sur-Oise, c’était hier, témoignage de M. Hémonnot, instituteur, 1899. Saint-Ouen-l’Aumône, Valhermeil, 1997, 47 p. [BIB D 2781]

[2] La cavalerie napoléonienne était répartie en trois types : cavalerie légère (hussards et chasseurs à cheval), cavalerie de ligne (dragons et chevau-légers lanciers) et grosse cavalerie (cuirassiers et carabiniers).

Fonds d'archives

Champagne-sur-Oise. - Liste nominative du recensement de population (1836 et 1846). [9 M 438]

Champagne-sur-Oise. – Cadastre napoléonien : plans (1826) [3 P 2154-2171].

Voir notamment le tableau d’assemblage [3 P 2154]) et la 3e feuille de la section C, « Le Village » [3 P 2165].

Champagne-sur-Oise. – Cadastre napoléonien : matrice des propriétés bâties et non bâties (1836-1914)  [3 P 173, folio 227].

Champagne-sur-Oise : cartes postales du château (ca1903-1939) [BIB 30 Fi 38 62 et 63].

Bibliographie

FREUND, André. « Un Val-d’Oisien sauve la Grande Armée du désastre ». Vivre en Val-d’Oise. Saint-Ouen-l’Aumône, n° 78, février-mars 2003. [BIB REV 161/78/2003]

FREUND, André et Michèle, Champagne-sur-Oise, c’était hier, témoignage de M. Hémonnot, instituteur, 1899. Saint-Ouen-l’Aumône, Valhermeil, 1997, 47 p. [BIB D 2781]

Sitographie

https://artetempire.wordpress.com/2018/05/13/jean-baptiste-juvenal-corbineau-un-inconnu-illustre-partie-4-1816-1848-et-au-dela/