Le quartier Bossut à Pontoise (Val-d'Oise)
Pontoise veut une caserne !
La ville doit sa fortune au transport fluvial et au pont sur l'Oise. Revers de la médaille, les Pontoisiens doivent assurer à leurs frais gîte et couvert aux soldats de passage.
Au XIXe siècle, la municipalité a vainement souhaité la construction d’une caserne dans le but d’alléger les charges imposées aux administrés et aussi dans l’espoir de bénéficier de retombées commerciales. En mars 1914, un accord a été signé entre la ville et l’administration militaire pour la construction d’une caserne, moyennant une participation municipale de 500 000 francs et diverses contributions pour le confort des troupes.
Un terrain est trouvé sur le plateau agricole de Saint-Martin, dénué d’habitation. Primitivement destinée à l’infanterie puis à l’artillerie, la caserne est finalement dévolue à la cavalerie, répondant aux besoins du Gouvernement militaire de Paris. La construction démarrée immédiatement mais ralentie à cause de la mobilisation générale d’août 1914 n’est achevée que dans le courant de 1915.
Un quartier de cavalerie modèle
De grande étendue (151 133 m²), l'espace est composé d’une place d’armes, de logements des hommes, d’écuries, de centres de soin, de réfectoire et de bureaux, disposés rationnellement. Par souci d’hygiène et de confort, les pièces intérieures sont recouvertes de chaux et non de plâtre, les sols composés de carrelage de ciment ou d’asphalte comprimé, les angles des chambrées arrondis en vue de faciliter le nettoyage…
Pendant la Grande Guerre, ce lieu est destiné au soin des malades, blessés et convalescents même au-delà de l’armistice. En septembre 1919, la ville de Pontoise reçoit en grande pompe le 22e régiment de Dragons. En décembre 1920, des terrains sont acquis dans le lieu-dit des Touleuses tant à Cergy qu’à Pontoise pour permettre aux cavaliers de s’entraîner.
Les années suivantes, d’autres régiments de cavalerie ou motorisés se suivent jusqu’à la Seconde guerre mondiale au cours de laquelle les Allemands en sont les occupants puis … les prisonniers de guerre. Des auxiliaires polonais et russes y sont même internés à la libération de 1944 avant leurs rapatriements. Pendant les années 1950-1960, un régiment colonial mécanisé, des unités de transmission et un centre mobilisateur sont hébergés. Au fil du temps, pour assurer une bonne instruction aux hommes, les officiers sont confrontés aux difficultés inhérentes à l’absence de grande étendue de terrain nécessaire. C’est en mai 1998 que l’Armée quitte définitivement le Quartier Bossut, remplacée par des groupes d’artistes et de théâtre jusqu’à sa destruction vers 2010-2011.
Pourquoi l’appelle-t-on le Quartier Bossut ?
Selon la tradition militaire, chaque caserne porte le nom d’un soldat qui s’est distingué, quel que soit son grade. En décembre 1919, les officiers du 22e Dragons – les survivants de la Grande Guerre – ont adopté le nom du chef d’escadrons Louis Bossut. Né le 17 avril 1873, d’une famille bourgeoise du Nord, cet officier de cavalerie s’est vite singularisé par sa participation aux compétitions hippiques et par son charisme. Lors des premiers mois de la Grande Guerre, il se révèle comme un chef énergique, courageux et soucieux du sort de ses hommes. Confronté à l’immobilisme de la guerre de tranchées, il se porte volontaire pour une « mission secrète et dangereuse ». Il découvre les chars d’assaut et contribue à leur développement. Dans la perspective de l’offensive du Chemin des Dames, il demande à son chef d’être placé à la tête de ses hommes contrairement à la règlementation en vigueur. C’est lors de la première attaque des chars français du 16 avril 1917 qu’il est tué par un obus ennemi. Les leçons ne sont pas perdues car les unités blindées contribueront à la victoire des alliées en 1918. De nos jours, Louis Bossut est encore cité en exemple au sein de l’Armée.
Patrick Lapalu, Service des Archives anciennes, modernes et privées
Direction des Archives départementales du Val-d'Oise
Mai 2017
Le sujet vous intéresse ?
« Hommage à l’Armée. Entrée à Pontoise du 22e Dragons », L’Echo pontoisien. Pontoise : n° 37, 11 septembre 1919, p. 1, photos. [BIB PER135/20]
« Au quartier de cavalerie. Une belle manifestation militaire. Inauguration de la plaque commémorative érigée en l’honneur du Chef d’escadrons Bossut », L’Echo pontoisien. Pontoise : n° 32, 2 août 1920, pp. 1-2, photos. [BIB PER135/20]
COMPAGNON, Jean, « La chevauchée héroïque de Berry-au-Bac, le chef d’escadrons Bossut (16 avril 1917)», Revue historique des armées. Vincennes : Service historique de la Défense, n°2, 1984, pp.54-63, photos. [BIB REV45/2/1984]
LEVEZIEL, Frédéric, « Le premier héros de l’Artillerie d’assaut, le commandant Louis Marie Bossut», Revue historique des armées. Vincennes : Service historique de la Défense, n°282, 2016, pp. 69-78, photos. [BIB REV45/282/2016]