L'ostension de la Sainte Tunique à Argenteuil (Val-d'Oise) en 1934

L'ostension de la Sainte Tunique à Argenteuil (Val-d'Oise) en 1934

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Cette relique du Christ est régulièrement exposée à la dévotion des croyants. Elle le sera prochainement du 25 mars au 10 avril 2016, ce qui coïncide également avec les 150 ans de la basilique d’Argenteuil, les 50 ans du diocèse de Pontoise et l’année de la Miséricorde décidée par le pape François. Depuis des siècles, cette tunique est l’objet de vénération des catholiques, argenteuillais principalement, mais pas seulement.  La dernière ostension a eu lieu en 1984, après un vol spectaculaire l’année précédente, suivi de sa restitution.  

 

 

Un événement religieux dans une ville industrielle

Du 30 mars au 21 mai 1934, une grande cérémonie a attiré des milliers de croyants dans la basilique Notre-Dame d’Argenteuil. La tunique a été sortie de sa châsse pour être déployée et placée soigneusement dans un reliquaire, sous la surveillance du chanoine Breton, curé-doyen d’Argenteuil.

Aux nombreux habitants d’Argenteuil se sont joints des pèlerins venus de la France entière et même de l’étranger. Cette manifestation religieuse est d’autant plus paradoxale qu’elle s’est déroulée dans une des villes les plus industrialisées de la région parisienne, touchée par le phénomène général de déchristianisation.

Un cadeau de Charlemagne

L’on raconte que cette tunique aurait été portée par Jésus-Christ lors de sa passion, avant sa mise en croix, puis acquise par un soldat romain à la suite d’un tirage au sort. Elle s’est trouvée plus tard à Byzance, capitale de l’empire chrétien d’Orient, où l’on s’efforçait de regrouper toutes les reliques liées au Christ. Vers l’an 800, l’impératrice Irène en fait don à Charlemagne, récemment couronné empereur de l’Occident à Rome. Ce dernier en confie alors la garde à sa fille Théodrade qu’il a nommée à la tête du monastère bénédictin d’Argenteuil.

Cachée pour éviter d’être pillée lors des raids vikings du IXe siècle, la relique tombe dans l’oubli. Elle est redécouverte fortuitement, lors des travaux d’agrandissement du prieuré vers 1152, mais doit de nouveau être remise à l’abri pendant les Guerres de religion en 1567. Enfin, pendant la Terreur de 1793, le curé d’Argenteuil  Ozet n’hésite pas à la découper et à répartir les fragments dans plusieurs cachettes, évitant ainsi une destruction totale par les révolutionnaires. Le calme revenu, il parvient à récupérer et à reconstituer tant bien que mal la tunique pour organiser, le 18 mai 1804, une ostension avec l’accord de  l’évêque de Versailles. Depuis, cet événement se reproduit par intermittence.

Une tunique sans couture examinée sous… toutes les coutures

De couleur pourpre, tissée d’une seule pièce, elle a intrigué maints spécialistes et même le… sous-préfet de Pontoise en 2002. Dès 1892-1893 et  jusqu’en 2005, des études approfondies ont été menées avec des moyens de plus en plus sophistiqués.

Cette tunique a été confectionnée en laine, sur laquelle des microparticules et des pollens ont pu être identifiés. Ces éléments, ainsi que le mode de tissage archaïque mais de qualité, attestent que la tunique vient du Proche-Orient et remonte à une époque très ancienne. Des traces de sang ont été découvertes, notamment sur la partie dorsale. Le groupe sanguin est de la catégorie AB et l’ADN indique que l’individu est du sexe masculin, originaire d’Orient. Tous ces éléments d’étude comportent des similitudes avec les analyses faites sur le linceul de Turin et le suaire d’Oviedo que la tradition attribue également à Jésus-Christ.

Or les résultats de datation au carbone 14 en 1988 et en 2004 suggèrent une datation entre l’an 530 et l’an 650, comme les autres reliques. Certains scientifiques reconnaissent toutefois que cette méthode d’examen, sur un tissu soumis aux aléas du passé, n’est pas encore d’une grande fiabilité. L’affaire est donc à suivre…

Patrick Lapalu, Service des archives anciennes, modernes et privées
Direction des Archives départementales du Val-d’Oise
Mars 2016

 

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 Fonds d'archives

Archives du Prieuré Notre-Dame d’Argenteuil (1195-1789). [12 H 1-69]. Les liasses 12 H 37/1 et 2 (VIIIe siècle-1770) contiennent, entre autres, les copies de chartes et les pièces relatives à la Sainte-Tunique et à sa confrérie.

Ostension de la Sainte-Tunique à Argenteuil : dossier contenant un tract des Chemins de fer de l'Etat, une carte postale de la tunique et une coupure de presse avec photographie (1934). [1 J 631]

Bibliographie

CLERCQ, Jean-Maurice, Les Grandes reliques du Christ. Paris, François-Xavier de Guibert, 2007.  [BIB 8/5164]

HUGUET, Didier ; WUERMELING, Winfried,  La Saint Tunique d’Argenteuil face à la science : actes du colloque du 12 novembre 2015 à Argenteuil. Paris, François-Xavier de Guibert, 2007.  [BIB 8/5158]

GERBERON Dom Gabriel, L’histoire de la Robe sans couture de Nostre Seigneur Jésus-Christ qui est revérée dans l’église du Monastère des Religieuses bénédictines d’Argenteuil. Paris, Hélie Josset, 1677. Avec une gravure de la Vierge Marie tenant la Sainte-Tunique [BIB E635].

LE QUÉRÉ, François, La Sainte Tunique d’Argenteuil, histoire et examen de l’authentique Tunique sans couture de Jésus-Christ. Paris, François-Xavier de Guibert, 1997. [BIB 8/3808]