D’une archive à une autre...
D'une lettre de Gauguin à Pissarro…
Le prêt d’une lettre de Paul Gauguin (1848-1903) à Camille Pissarro (1830-1903), conservé par la Direction des Archives départementales du Val d’Oise, au musée d’art et d’histoire Pissarro de Pontoise pour son exposition Pissarro, Sur le chemin de Pontoise (19 octobre 2024-19 janvier 2025), est l’occasion de mettre en lumière un autre document conservé par les Archives départementales.
Dans cette lettre de 1884 (ADVO, 1 J 34), P. Gauguin écrit « […] Vous êtes prié par la Société dite des Indépendants de venir signer samedi le traité chez M. Durand-Ruel […] » qui concerne un accord de bail de dix ans de locaux pour exposer. P. Gauguin ajoute plus loin « […] On aurait bien besoin de vous pour mettre d’accord bien des gens […] ».
… Aux statuts de la « société dite des indépendants »
Cette année-là, un groupe d’artistes indépendants en rupture avec les principes du Salon des artistes français, qui, même s’il a pris en 1883 la suite du Salon officiel organisé par l’Etat, reste à leur goût officiel, académique et très lié au marché de l’art, se forme. Si de très nombreux artistes se précipitent pour exposer au Baraquement des Tuileries, l’organisation et la gestion financière sont catastrophiques. Le groupe se dissout.
S’en suit alors la constitution de la « société mutualiste des artistes indépendants ». Ce sont les statuts de celle-ci qui sont conservés aux Archives départementales. Ils ont été rédigés le 11 juin 1884 par trois peintres domiciliés à Paris, dont les noms sont aujourd’hui inconnus du grand public : Emile Solvet, Marie Edmont Höner et Alfred Guinard. Les deux premiers les ont déposés le 3 août 1884 chez maître Coursault, notaire à Montmorency (ADVO, 2 E 34 228). A. Guinard en devient le premier président, M.-E. Höner le deuxième. Cézanne, Gauguin, Redon, Seurat, Signac… sont les artistes les plus connus de cette société.
Cette société se donne pour objet l’organisation d’expositions « basées sur la suppression des jurys d’admission ». Le comité composé de onze membres a la complète organisation des expositions, dont une annuelle. Les artistes sont répartis en cinq sections : peinture ; sculpture et gravure en médailles ; architecture ; gravure et lithographie ; dessins, cartons, aquarelles, pastels, miniatures, vitraux, porcelaine et faïence. Les cotisations sont de « 2 francs pour le premier mois, un franc pour les autres mois » et de « cinq francs par exposant. Aucun des 41 articles ne mentionne de motivation esthétique ou artistique. Comme l’écrit Jean-Paul Bouillon, si sa « motivation originale est ‘politique’ [s’affranchir des normes artistiques], la base [est] uniquement économique ». Dans cette seconde moitié du XIXe siècle, cette société est loin d’être la seule, les artistes se regroupant de manière plus ou moins éphémères selon leurs affinités politiques, artistiques, économiques.
Les artistes adhérents présentent leur première exposition dite « Salon d’hiver » en décembre 1884, au Pavillon de la Ville de Paris, aux Champs Elysées. La presse, le public et les ventes ne sont pas au rendez-vous.
Quant à C. Pissarro, fidèle au groupe des impressionnistes créé en 1873, il ne participera jamais à ce groupe pour lequel il a pourtant une grande sympathie. Plusieurs de ses enfants, artistes, exposeront.
Sylvie Dechavanne, service des Publics
Direction des Archives départementales du Val d’Oise
Octobre 2024
<div style="text-align:center;"><div style="margin:8px 0px 4px;"><a href="https://www.calameo.com/books/001263431851c1881d371" target="_blank">Statuts de la société dite des indépendants, 1884, ADVO,2 E 34 228</a></div><iframe src="//v.calameo.com/?bkcode=001263431851c1881d371&mode=mini" width="480" height="300" frameborder="0" scrolling="no" allowtransparency allowfullscreen style="margin:0 auto;"></iframe><div style="margin:4px 0px 8px;"><a href="http://www.calameo.com/" target="_blank">Lire plus de publications sur Calaméo</a></div></div>
Pour en savoir plus
Fonds d'archives
Lettre de Gauguin à Pissarro, 1884. [1 J 34]
Statuts de la « société dite des indépendants », 3 août 1884. [2 E 34 228]
Ouvrages
BAILLY-HERZBERG, Janine (éd. scientifique), Correspondance de Camille Pissarro, 1865-1885. Paris : Presses universitaires de France tome1, 1980, 390 p.-16 p. de pl. [BIB 8/2274/1] (p. 39, 304, 307-308.)
Sitographie
BOUILLON, Jean-Paul, « Sociétés d'artistes et institutions officielles dans la seconde moitié du XIXe siècle », Romantisme, revue du XIXe siècle, 54,1986, p. 89-113. (cf. p. 97, 106). https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1986_num_16_54_4847 (consulté le 08/09/2024)
COQUIOT, Gustave, Les indépendants (1884-1920), Paris : Librairie Ollendorff https://ia800306.us.archive.org/4/items/lesindependants100coqu/lesindependants100coqu.pdf (consulté le 08/09/2024)
Wikipedia : salon des indépendants https://fr.wikipedia.org/wiki/Salon_des_ind%C3%A9pendants (consulté le 08/09/2024)