La loi Caillaux ou la naissance de l'impôt sur le revenu il y a cent ans

La loi Caillaux ou la naissance de l’impôt sur le revenu il y a cent ans

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"L'impôt sur le revenu. Français ô parfaits contribuables. Apprenez que nos députés. Par qui les impôts sont votés. Préparent des lois admirables. Dorénavant pauvres et riches. Selon ce qu'ils possèderont. Prés ou marais, châteaux ou niches. Sur leurs revenus paieront. Les cotes (portes et fenêtres). Les centimes, les prestations, objet de nos réclamations, à tout jamais vont disparaître. Et par ce merveilleux système qu'est l'impôt sur le revenu, nous tous, Français, seront de même, ayant tous le derrière nu. A. Deligny".

Une loi contestée

Ces vers font référence à certains impôts dont celui sur les portes et fenêtres des habitations payées par les propriétaires. Cette contribution est l’une des « quatre vieilles ». Elle sera définitivement supprimée en 1926 pour des raisons de santé publique. En effet, pour baisser le montant à payer, nombre de propriétaires en condamnaient certaines au risque de rendre les pièces insalubres.

Les « quatre vieilles » sont des contributions directes sur le patrimoine - foncière sur le bâti et le non bâti, personnelle mobilière, patente, portes et fenêtres – mises en place pendant la période révolutionnaire.

L’auteur montre bien l’ambiguïté du contribuable fasse à l’impôt. S’il se plaint des montants « cotes » à payer, des Centimes - ou centimes additionnels, qui pouvaient être ajoutés à des impôts existants -, ou des Prestations, finalement il les préfère au nouvel impôt. Ironiquement, il souligne que ce nouveau système dit plus égalitaire va niveler par le bas riches et pauvres.

Une loi moderne

Il a fallu attendre sept ans pour que la loi proposée en 1907 par Joseph Caillaux, alors ministre des finances, et adoptée par la Chambre des députés le 9 mars 1909, soit votée par la Haute Assemblée le 3 juillet 1914. Dès les années 1830, Républicains et Conservateurs s’opposent sur la question de la création d’un impôt sur le revenu individuel du travail avec l’essor de la révolution industrielle. De longs débats ont lieu pour savoir si cet impôt devait être proportionnel ou progressif. Les prémisses de la guerre et la pression sociale auront raison des sénateurs qui voient ainsi une façon d’augmenter les ressources de l’Etat, alors financées à peine à 20% par les contributions directes existantes. La loi s’appuie sur trois idées : remplacer la fiscalité précédente devenue obsolète ; reposer sur le foyer fiscal ; faire déclarer au contribuable ses revenus. 

Au final, un impôt général et progressif est créé par la loi du 15 juillet 1914. Seuls les contribuables ayant un revenu de 5 000 francs de l’époque minimum, déductions faites selon la situation familiale (mariage, personnes à charge…), sont touchés, soit environ 500 000.

Six impôts cédulaires c’est-à-dire établis par catégorie de revenu sont ensuite créés par la loi du 31 juillet 1917 : impôts foncier sur le bâti et le non bâti (reprenant un impôt existant), sur le revenu des valeurs mobilières, sur les traitements et salaires, sur les revenus agricoles, sur les bénéfices industriels et commerciaux et sur les bénéfices des professions non commerciales.

Sylvie Dechavanne, Service des Publics
Direction des Archives départementales du Val-d'Oise
Juillet 2014

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Bibliographie

TOUZERY Mireille, L’invention de l’impôt sur le revenu : la taille tarifée 1715-1789. Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1994. 618 p. [BIB 8/3670].

RIBEROT de, Stanislas, RIBEROTde, Maurice, Aux contribuables, explication pratique de la loi concernant l'impôt sur le revenu, article par article (loi du 15 juillet 1914).