Les plans d'intendance
De 1776 à 1791 se réalise sous l'autorité de Louis Bénigne Bertier de Sauvigny, intendant de la Généralité de Paris, une des plus importantes opérations cartographiques que nous a léguée l'administration monarchique. Aujourd'hui connu sous le nom de son initiateur, les 1 532 plans d'intendance constituent l'essentiel de la série C Administrations provinciales des Archives départementales.
La réalisation de ce cadastre s'inscrit dans le cadre d'une vaste réforme fiscale : l'harmonisation de la répartition de la taille entre les différentes paroisses sur la base des surfaces cultivables. Pour obtenir le meilleur rendement de l'impôt, il s'agissait pour les intendants de se doter d'instruments permettant une répartition la plus équitable possible de la charge fiscale entre les paroisses de leur ressort. Ce cadastre se singularise par son approche globale de la matière imposable. Cherchant à apprécier les capacités d'une paroisse dans son ensemble, le document consiste dans un arpentage par masse de cultures et non par parcelle.
Les plans sont restitués à une échelle variant entre 1/6500e et 1/7000e et différencient chaque type d'occupation des sols (arpentage du territoire par masse de cultures) : terres labourables, prés, pâtures, bois, vignes, friches, cours d'eau, étangs, bâti, voies de communication, etc. Répartition d'importance car chaque nature de terre a un taux d'imposition différent. Les couleurs distinguant la nature des terres sont imposées, respectant en cela l'usage en vigueur dans la cartographie de l'époque. Les bois sont en vert-jaune pour imiter la feuille morte, les prés sont en vert tendre, les friches en vert mêlé de brun pâle, les vignes sont en jaunes, les terres labourables sont en couleur de terre pâle, les bâtiments et murs de clôture sont en carmin, les cours d'eau et les étangs sont couleur d'eau. Le relief est quelquefois représenté. Le coloriage est réalisé au lavis, c'est-à-dire avec des couleurs claires, qui assurent une lisibilité maximale des indications notées sur le plan.
Une fois le travail terminé, l'arpenteur remettait lui-même le plan à l'ingénieur géographe de la généralité (Pierre Dubray jusqu'en 1784). Ce dernier en appréciait la réalisation au fur et à mesure de leur achèvement au rythme d'un plan par mois.
Territoire couvert
Seules les 126 paroisses valdosiennes dépendant de la Généralité de Paris sont représentées. La partie ouest du département, autour de Magny-en-Vexin et de La Roche-Guyon relevait en effet de la Généralité de Rouen.
Généralement, l'arpenteur représentait un plan par paroisse. Quelques exceptions sont à noter (paroisses représentées sur une même feuille) : Bessancourt et Frépillon ; Chauvry et Béthemont-la-Forêt ; Enghien-les-Bains et Montmorency ; Eragny-sur-Oise et Neuville-sur-Oise ; Gonesse et Vaudherland ; Herblay et Conflans-Sainte-Honorine (territoire de Chennevières) ; Commeny et Moussy ; Cormeilles-en-Vexin et Frémécourt ; Génicourt et Osny ; Livilliers et Ennery ; Mériel, Méry-sur-Oise et Saint-Ouen-l'Aumône ; Le Perchay, Santeuil et Gouzangrez ; Theuville et Vallangoujard.
Intérêt
Le cadastre de Bertier de Sauvigny constitue une des grandes richesses de nos fonds d'archives de par son caractère unique et sa précision. Il se singularise par son approche globale de l'unité contribuable, la paroisse et ses masses de culture, alors que l'immense majorité des documents de cette nature appréhende les contribuables individuellement et recense donc chaque parcelle.
Il ne permet donc pas de faire une étude des structures ni de l'exploitation ni de la propriété foncière. En revanche, les plans accompagnés des procès-verbaux d'arpentage offrent au lecteur une rétrospective unique de géographie historique par une représentation synthétique du paysage rural de la région parisienne dans le dernier quart du XVIIIe siècle. L'analyse de ces plans a permis de dégager de nombreuses informations : quelle est la superficie des terres labourables de telle ou telle paroisse ? Combien y a-t-il de moulins à vent, à eau ? Quelle est l'importance de la vigne sur les coteaux de la Seine et de l'Oise, l'emprise des espaces forestiers ? etc.