Les civils « valdoisiens » durant la guerre de 1870

Après la défaite de Sedan et la chute de Napoléon III, le 1er septembre 1870, et pendant quatorze mois, le nord-est de la France est occupé par les armées de Prusse et des États allemands. Paris est visée. Le quotidien des civils en est bouleversé, jusqu’à celui des habitants de l’actuel Val-d’Oise alors dans le département de la Seine-et-Oise.

La peur de l’envahisseur

Stèle du passage de l'Oise à Parmain (Val-d'Oise). (jpg - 1473 Ko)

Stèle du passage de l'Oise à Parmain (Val-d'Oise), s. d., Inventaire du patrimoine, ADVO.

Dans un premier temps, les rumeurs d’avancées de l’ennemi créent des tensions dans les populations où sont prises pour cibles les personnes d’origines étrangères que l’on accuse d’espionnage. Les autorités en viennent même à expulser de Paris et des environs toutes personnes d’origine prussienne ou allemande et à mener une enquête en Seine-et-Oise auprès des maires. Ainsi, nous savons qu’à Argenteuil trois ou quatre bouchers et charcutiers sont Prussiens ; un autre habite à Bessancourt depuis vingt ans. A la demande des préfets, les archives communales sont cachées dans des lieux tels qu’un caveau à Viarmes, le jardin de la mairie à Fontenay-lès-Louvres, ou conservées chez l’instituteur ou le maire du village.
Le Génie civil tente de protéger les villes alentours face à l’arrivée des troupes ennemies. Les ponts, comme celui de L’Isle-Adam ou d’Argenteuil sont détruits, les grands arbres sont abattus et couchés en travers des routes. La gare de Parmain-L’Isle-Adam est fortifiée.

L’occupation

Renseignements sur les secours portés aux victimes de l'incendie de Parmain (Val-d'Oise). (jpg - 1036 Ko)

Renseignements sur les secours portés aux victimes de l'incendie de Parmain (Val-d'Oise), 20 octobre 1870-21 septembre 1872, ADVO, 2 R 105.

Les éclaireurs, nommés uhlans, arrivent dans les villes et villages par petits groupes et donnent aux maires les premiers ordres : réquisitions des denrées alimentaires, du bétail que certaines communes prennent en charge à la place des habitants, comme cela fut le cas à Ecouen ; dépôt devant la mairie de toutes les armes (fusils de chasses…) – les plus belles pièces étant gardées par les généraux ¬– ; mise à disposition de locaux pour le commandement ou de logement pour les troupes qui arrivent ensuite, au château de Vigny par exemple.
Les maisons, pour certaines abandonnées, sont pillées, comme à Mériel. Certaines écoles servent de boucherie, d’écurie ou d’entrepôt de stockage. Afin d’isoler les civils et d’éviter la circulation de l’information par crainte de l’espionnage, les lignes télégraphiques sont détruites comme à Parmain. Les habitants doivent aussi demander une autorisation de circulation d’un village à l’autre, certains étant en zone militaire, c’est le cas de Deuil, d’autres ayant un couvre-feu comme Montmorency. La cohabitation forcée entraîne fréquemment des rixes.

La résistance

L'Isle-Adam (Val-d'Oise). Défense du passage de l'Oise 1870 (Tableau d'Octave Volant). (jpg - 962 Ko)

L'Isle-Adam (Val-d'Oise). Défense du passage de l'Oise 1870 (Tableau d'Octave Volant), [1903-1939], ADVO, 30 Fi 92 369.

C’est dans ce contexte que vont se constituer des groupes de francs-tireurs, personnes organisées et entrainées, ou simples civils, soutenus par les autorités. Leurs méthodes sont simples : attaquer en petit groupe et sans relâche l’ennemi sur les flancs et les arrières pour protéger les villages et les populations. À Parmain, haut lieu de bataille, le pharmacien, Emile Capron, prend à l’âge de 60 ans la tête de la guérilla, avec environ 200 hommes. Après quelques jours de résistance, l’ennemie parvient à battre ces francs-tireurs et la ville est pillée en représailles. La pharmacie est incendiée. 

L’après-guerre

Plan du cimetière d'Andilly (Val-d'Oise) avec emplacement des tombes des militaires. (jpg - 1963 Ko)

Plan du cimetière d'Andilly (Val-d'Oise) avec emplacement des tombes des militaires, 1878-1880, ADVO, 2 R 50.

Après la guerre, Augustin Cochin, préfet du département de Seine-et-Oise, demande à l’archiviste Gustave Desjardins de mener une enquête auprès des maires, des instituteurs, des curés pour lister tout ce qui s’est passé, quels sont les coûts de la guerre ; il écrira un livre par la suite. Réalisée dans tous les départements touchés, l’enquête sert ensuite à l’Etat à évaluer les dédommagements et à mieux négocier la sortie du conflit lors de la conférence de Bruxelles puis du traité de Francfort le 10 mai 1871. Fort de cet état des lieux, le 6 septembre de la même année, l’Etat promulgue la loi sur les dommages de guerre.
S’en suivent des commémorations annuelles, ainsi à Eaubonne en 1912, et l’érection de monuments aux morts, à L’Isle-Adam.

Estelle Delforge
Etudiante en doctorat d’Histoire contemporaine, Université de Cergy-Pontoise
Décembre 2018

Pour en savoir plus

Fonds des Archives départementales du Val-d’Oise :

Ableiges [E-Dépôt 65]
Bréançon [E-Dépôt 15
Ennery [E-Dépôt 4]
Haravilliers [E-Dépôt 5]
Livilliers [E-Dépôt 7 ]
Mériel [E-Dépôt 9
Saint-Clair-sur-Epte [E-Dépôt 61]
Vauréal [E-Dépôt 21]

Fonds des Archives départementales des Yvelines :
Fonds de la préfecture (série 4 M 1) 
Fonds militaire (série 8 R)

Bibliographie :

ABBADIE, Les Prussiens à L’Isle-Adam et à Parmain du 16 au 30 septembre 1870. Pontoise : Imprimerie Putel et Désableau, 1886, 20 p. [BIB D3005].
BOTTO, René, Deux siècles à L’Isle-Adam. Saint-Ouen-l’Aumône : Le Valhermeil, Colombelles, 1997, 112 p. [BIB E 1025].
CAPRON, Emile, Défense de Parmain au passage de l’Oise contre les Prussiens du 23 au 30 septembre 1870 et tribulation d’un franc-tireur. Paris : Dentu, 1872, 42 p. [BIB D 2076].
DELFORGE, Estelle, Vivre dans le Val-d’Oise durant la guerre de 1870-1871. Cergy-Pontoise : Université de Cergy-Pontoise, 2015, 112 p. (Mémoire en Histoire et civilisation). [BIB D1851].
DENISE, A.-D., La Défense de Parmain : épisode de la guerre de 1870 dans le canton de L’Isle-Adam. Méru : Imprimerie J. Douce, 1906, 220 p. [BIB E395].
DESJARDINS, Gustave, Tableau de la guerre des Allemands dans le département de Seine-et-Oise, 1870-1871. Versailles, Cerf et fils, 1873, 144 p. [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6541668g/f1.image.texteImage].
DUCHESNE, André, LEVEQUE, Marie-Madeleine, RABASSE, Jacqueline, Montmorency de 1800 à 1940, Société d'histoire de Montmorency et de sa région, Montmorency, 2012, 200 p. [BIB 4 260 2].
HANTRAYE, Jacques, « Histoire totale, guerre totale ? Approche historiographique comparée des occupations de 1814-1815 et 1870-1871 dans le département de Seine-et-Oise. », Napoleonica. La Revue, 2008/2 (N° 2).